Tout commença ce fameux jour pluvieux de mois d'Août 2009. Les images, le déroulement des évènements, sa déception, sa tristesse, son visage si doux et si beau, ses expressions aux millimètres près, mes larmes, son regard mélangeant de la froideur, de la déception et encore de la tristesse, tout, étaient gravés dans ma mémoire. Malgré que j'essayais de supprimer ces douloureux souvenirs de ma tête, rien n'y faisait, ils étaient toujours présents. J'étais prévenue, on m'avait prévenu. On n'enlève pas aussi facilement des souvenirs, tels qu'elles soient. Douloureuses ou joyeuses. On m'avait répété sans cesse que malgré mes efforts, cela ne servirait à rien. Son sourire, son visage, ses expressions seront toujours et encore dans ma mémoire, même si je venais à partir au bout du monde. Et moi, comme la pire des sottes qu'il puisse exister au monde, je n'ai cru personne. Et têtue comme j'étais, je lui annonçai la nouvelle, croyant que cela passerait, que contrairement au dires des autres, j'allais vite l'oublier. Oui, j'étais idiote et encore qu'une gamine de dix-sept ans, que voulez-vous ? « Aaron ... Je suis désolée ... Je ... Je n'ai pas le choix ... Pardonne-moi ... » Tout d'un coup, je me demandai si je me mentais pas moi-même. Personne ne m'avait obligé à partir là-bas, à fuir et ne plus jamais le revoir. Personne. Pourtant, je n'avais pas le choix. Ces paroles là, je m'en rappelai comme si c'était hier, comme si le moment était entrain de se dérouler, comme si les mots venaient à peine de sortir de ma bouche. Pourtant, c'était il y a un an. Jour pour jour. Et tout ça était encore dans ma tête, refusant catégoriquement d'en sortir. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Pourquoi devais-je tomber éperdument amoureuse d'un homme dont je venais tout juste de faire la connaissance ? Pourquoi me suis-je enfuie à l'autre bout du monde ? Pour le fuir ? Éviter de lui dire la vérité ? Éviter son regard lourd de préjugés ? L'éviter lui ? Ridicule. Mes sentiments envers lui n'avaient pas disparu, rien n'était plus sûr. Rien. Mais pourtant, j'avais tourné la page. Ou du moins je pensais avoir tourner la page ...


Exaspérée et énervée, Blythe jeta violemment le livre qu'elle avait sous la main dans un coin de sa chambre. Ou plutôt devrais-je dire le journal intime quelle tenait. Précisément, celui de sa sœur cadette de deux ans, Chuck. Voilà pourquoi elle n'était jamais tombé amoureuse, voilà pourquoi elle détestait tant l'amour. Voire sa petite sœur se détruire ainsi à cause d'un homme la rendait folle de rage, elle ne pouvait se contenir. La demoiselle était ainsi, protéger ses proches étaient sa préoccupation même si elle devait avoir à des recours pas très conseillés, et personne n'y pouvait rien. Pourtant elle ne fit rien, resta assise sur son lit, regardant la pluie tomber par sa fenêtre. Le temps était exécrable, ce n'était pas possible. Même si elle n'aimait pas énormément passer du temps dehors et rester seule, voir un temps aussi désespérant la rendait d'humeur désespérante. Demain, elle allait partir pour Perth, en Australie, accompagnée de sa sœur, ne pouvait-il pas avoir un temps ensoleillé pour son dernier jour à New-York pendant des mois, voire des années ? Non, c'était apparemment impossible. Elle se rappela soudain de sa vie, son histoire. Ce n'était pas son habitude de ressasser le passé ainsi mais le fait d'envisager qu'elle ne revienne plus dans sa ville natale la rendait mélancolique, l'obligeant à se remémorer les moments de son enfance jusqu'à maintenant. Comme par exemple à l'anniversaire de ses douze ans, où sa mère aimante et assez sotte dans son genre lui avait offert pour la première fois une serviette hygiénique. Elle en était bouche-bée et surtout gênée. Ses rares amis venus pour l'occasion se sont légèrement moqués d'elle mais ont finalement eux aussi étaient gênés par la suite. Un souvenir assez drôle tout de même. Puis un autre lui vint à l'esprit. Le premier jour où son père lui apprit à gratter les cordes d'une guitare, sa guitare à ses quatre ans. Un moment magique et inoubliable. Elle a su depuis ce jour que la musique sera sa passion, une passion qu'elle partagera avec son géniteur au fil des années. Une passion commune qui les a énormément rapprochés. Jusqu'à ce jour de Décembre 2002. Le jour où son monde entier s'écroula, le jour où elle devint cette fille dure, paranoïaque, lunatique et froide comme de la glace. Les déroulements de la journée étaient toujours aussi clair dans sa tête. Comme Chuck, impossible de se sortir ces images de la tête. Impossible ...

Un cri strident et des pleurs à n'en plus finir réveillèrent les deux jeunes enfants encore endormies. Ces cris et pleurs provenaient de la salle à manger, la pièce juste à côté de leur chambre commune du petit apparemment de New-York que la famille occupait. Aussi intriguée qu'apeurée, Blythe, l'aînée, alla voir ce qui se passa. Sa surprise fut immense quand elle vit sa mère à genoux au sol, figée, les larmes ne cessant de couler et le téléphone au sol également qui avait réussi à résister à la chute. La petite fille de dix ans essaya de relier tout cela dans sa petite tête afin d'identifier le problème, en vain. Elle traversa la pièce du regard, son père n'était pas là. D'habitude, il était toujours là, assis sur le canapé, lisant le journal du jour. Mais aujourd'hui, personne. Où était-il ? Qu'est-ce qui se passait ? Tremblant de tout son corps, Blythe s'avança vers sa mère et se risqua à prononcer la question. « Maman ... ? Maman. Maman ... Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu pleures ? ... Et où est papa ? ... » Sa mère n'eut pas besoin de formuler à voix haute, elle avait d'ores et déjà comprit par le regard empreint de tristesse et d'excuses de sa mère. Son père, elle ne le reverra jamais. Jamais.

Repenser à ce souvenir douloureux provoqua ses larmes. Pour une fois, elle se laissa aller, et pleurer sans se retenir. Cela lui fit un bien fou. Sa mère ne s'est jamais remit de cette perte depuis tout ce temps, et elle aussi avait changer de comportement. Malgré à ses essais et ses feintes d'avoir tourner la page de leur père, Blythe savait que leur mère souffrait encore énormément à l'intérieur. En repensant à sa pauvre mère, elle eut de la peine à s'en aller demain pour Perth avec sa sœur. Elle eut presque envie de rester ici, et s'occuper de leur mère, mais maintenant qu'elle était majeure, elle avait besoin de s'épanouir, de vivre sa vie, de grandir. C'était d'ailleurs sa mère qui lui avait offert ce voyage. C'était elle qui avait fait en sorte que ses deux filles aient toutes les deux un correspondant là-bas, pour qu'elles vivent pleinement leur jeunesse, qu'elles oublient toutes les deux le passé et qu'elles se construisent un nouveau futur. Et Blythe n'est pas du tout contre, bien au contraire. Elle, ne rêve que d'une seule chose depuis des années : oublier son passé. Et rien de mieux que partir à l'étranger, loin de chez elle pour y arriver ... ou pas.