« Je.. j'crois que tu te fais du mal, là, Rhys » qu'elle dit, d'un trait, ignorant que c'est pas ce que je dis qui m'énerve le plus, mais c'est son ton plus ou moins dégagé qui me donne envie de gerber. Je sais depuis le début que c'est moi qui risque d'en prendre plein la gueule quand elle va s'rendre compte que je suis amoureux d'elle depuis le départ, tandis qu'elle pensait que j'étais gay. C'est pas ma faute, c'est la seule façon que j'ai trouvé de l'approcher, sachant qu'elle semblait pas vouloir côtoyer des mecs hétéros. J'ai profité de la situation, des trucs qu'elle me laissait faire parce qu'elle croyait que ça me laisserait de marbre. J'ai foutrement pris sur moi pour réussir à traverser les massages le long de son échine, sa manière de se blottir contre moi pour s'endormir, j'veux dire, j'ai jamais... non, en fait, j'ai juste omis de dire que si j'avais laissé planer son doute depuis le départ, c'est parce que je voulais la connaître. J'voulais qu'elle se rende compte que j'étais peut-être pas l'un des cons qu'elle fuyait comme la peste, allez savoir pourquoi. En fait, je suis juste plus futé que les autres, je l'ai tout de même vu plus d'une fois sans haut, chose qui m'a obligé à me retirer dans les WC afin de reprendre mon souffle. J'crois que tous mes potes en riraient, s'ils sauraient, parce que pourtant, je suis pas du genre à courir après les filles, en général, c'est elles qui font le trois-quart du chemin. Il a fallu que ce soit celle qui ne semblait absolument rien avoir à faire avec moi que je veuille. C'est une loi non-écrite, ça, on désire ce que l'on a pas, c'est bien connu. Putain de merde « Tu.. merde, tu pouvais pas croire à ça. Tous ces étés que j'ai passé, à Gold Coast, t'était là, putain, tu m'as vu, tu savais, tu pouvais pas... ». J'ai envie de frapper dans un truc pour avoir été si con. J'ai jamais cru au fait qu'on pouvait souffrir avec une fille, parce qu'en général, c'est moi qui foutait le camp avant de risquer de m'attacher. De toute façon, j'savais que c'était elle que je voulais. Elle, seulement qu'elle. Oh putain que je ris jaune, là, maintenant. Xavi. Xaviera Donahue. Elle ramène ses longues jambes contre sa poitrine, les entoure de ses bras, croise mon regard. Elle n'exprime rien. Absolument rien du tout. J'aurais clairement envie de crever, là, maintenant « J'sais pas, t'aurait pu avoir changer, être différent. Mais non, t'es on ne peut plus con. T'es pire que tous les autres, Rhys ». Il y a quelque chose que tu sembles ignorer là-dedans, Xavi. J'ai changé, du moins, j'ai essayé. J'ai jamais eu des tas de filles à mes pieds, rien que par égard au cas où tu viendrais à l'apprendre. J'ai eu des copines, mais jamais bien longtemps, parce que j'croyais que tu finirais par ouvrir les yeux à la manière dont j'te regardais. Ça te crevait pas les yeux, à toi, que j'donnerais absolument tout pour qu'tu me laisses t'aimer? Je soupire, passe la main dans mes cheveux, me relève « Tu veux dire que t'aurait jamais passé autant de temps avec moi si jt'aurais clairement dis que j'étais raide dingue de toi? ». Je ne sais pas pourquoi j'ai posé la question, alors que je connaissais vraisemblablement la réponse et que j'connais foutrement bien cette fille-là. La réponse arrive, tranchante et catégorique « Non Rhys, pas la moindre chance ».

« Rhys, je.. non, mais, qu'est-ce que tu fous? » que j'entends derrière moi. Y'a trois semaines que je me retrouve coincé dans un lit d'hôpital, alors comme j'ai réussi à me mettre sur mes jambes pour la première fois depuis un bon moment, j'en profite... pour en griller une. La tête me tourne légèrement, je trouve ça ridicule, j'ai toujours fumé, non? Pourquoi j'avais aucune clope sur moi, alors, c'est inhumain? « Une clope. Putain, mais j'ai du rouler une pelle à une infirmière pour en avoir une ». D'accord, elle était clairement chaudasse, mais je me voyais pas du tout déambuler dans ce grand édifice morne et ennuyeux. J'ai envie de sortir. J'ai envie d'être défoncé. J'ai envie de m'envoyer en l'air. C'est grave, quand est-ce qu'on me redonne ma putain de liberté, putain de merde? « Depuis quand tu tolères la cigarette d'abord? ». Ma soeur est une calamité. Je sais que c'est elle, je reconnais mes yeux bleus dans les siens. La même chevelure châtaine également. Pourtant, je réussis pas à mettre le doigt sur son nom. Je passe la main dans mes cheveux pour sentir une cicatrice à la naissance de mon cuir chevelu. J'ouvre grand les yeux, horrifié « Putain, c'est quoi cette connerie? J'suis ici depuis quand, et puis c'est quoi cette cicatrice, nom de Dieu! ». Elle me regarde comme si j'étais étrange, c'est plutôt son silence qui est bizarre. Taylor.. non, Torrey... non, putain, c'est quoi son nom déjà « Tu sors d'un coma, Rhys. Ce serait plus sage de rester assis, tu crois pas? ». Elle se prend pour ma mère, ou pas? D'ailleurs, c'est pas moi l'aîné, de toute façon? J'enlève le truc crève-dignité qu'on nous enfile obligatoirement dans un hosto et arrache les fils qui me connectent à des machines. Pas question que je perde une seconde de plus dans cet endroit de malades mentaux, de petites filles anorexiques et de vieilles personnes sur la dernière ligne droite. Je m'approche de ma soeur, attrape des vêtements qui m'appartiennent sur la chaise et lui demande, d'un ton catégorique « J'suis hors-service depuis quand? ». Elle répond pas, je commence à m'énerver. J'étais pas posé moi, avant? « Je t'ai posé une question, rien qui demande de te servir c'que t'a entre les deux oreilles, j'attends une foutue réponse ». Elle me lance un regard noir « Un mois et demi demain... ». Je suis abasourdi, sans voix. 45 jours ? Putain, normal que ça me manque autant, me taper une fille, boire et fumer, faire la fête. J'me prépare à sortir alors que des tas de moniteurs s'agitent que ma soeur souffle quelque chose qui me force à m'immobiliser, allez savoir pourquoi « Elle est venue te voir, Rhys. Presque tous les jours. Je crois que Xavi... ». Je l'arrête en hurlant de se la fermer. J'sais pas pourquoi, mais ce nom-là, j'ai pas envie de l'entendre. Tout ce que je veux, pour le moment, c'est trouver l'infirmière torride et la prendre dans un coin tranquille, ou peu m'importe, devant tout le monde. Ce qu'il reste à ajouter? Je suis de retour, et un putain de retour, d'ailleurs...